Le haut potentiel (HP)
Introduction
On les appelle doués, surdoués, précoces, à haut potentiel (HP ou HPI), Atypiques personnes dans l’Intelligence et l’Emotion (APIE, acronyme inventé par Jean-François Laurent), ou zèbres (nom donné par Jeanne Siaud-Fachin).
Différents termes sont apparus au fil du temps et des recherches, mais tous regroupent une même réalité : ils désignent ces enfants et ces adultes atypiques et hors normes du fait de leur haut potentiel.
Toutes les expressions ci-dessus sont des synonymes, mais pour une question de clarté, nous allons utiliser ici le terme de Haut Potentiel (HP) ou surdoué.
Qui sont-ils ?
Nous ne sommes pas définis par notre intelligence mais notre mode de fonctionnement intellectuel s’intègre à l’ensemble de notre personnalité et lui donne une coloration particulière. Réciproquement, notre personnalité est marquée par la forme de notre intelligence.
Etre à haut potentiel ne signifie pas être plus intelligent que les autres, mais fonctionner avec un mode de pensée, une structure de raisonnement différente.
La personne à haut potentiel est un individu ayant un fonctionnement intellectuel atypique, une activation des ressources cognitives dont les bases cérébrales diffèrent. C’est cette particularité qui rend souvent difficile son adaptation sociale et professionnelle.
Il obtient un score de QI supérieur à 130 aux tests d’intelligence validés et standardisés. Score qui est une condition indispensable mais non suffisante pour poser le « diagnostic ». L’intelligence n’est qu’une composante de notre personnalité.
Les psychologues du monde entier s’accordent en règle générale à considérer qu’au-delà de deux écarts-types (un écart-type est fixé à 15 sur l’échelle de Wechsler) par rapport à la moyenne (qui est de 100 sur l’échelle de Wechsler – c’est-à-dire à partir de 130), il y a surdouement. Ce qui statistiquement (pour un score de 130 à l’échelle de Wechsler) concerne 2,2% de la population. Le seuil peut cependant légèrement varier selon les spécialistes.
Cependant, et contrairement aux idées préconçues que beaucoup se font du « surdoué », ce potentiel est beaucoup plus souvent vécu comme un cadeau empoisonné, source de bien des difficultés dans la vie quotidienne ainsi que dans le relationnel. De plus, de très nombreux adultes à haut potentiel ont été des enfants et adolescents en décrochage ou en échec scolaire alors que la croyance populaire veut que ceux-ci soient nécessairement bons à l’école.
L’image que l’on se fait d’un adulte surdoué est bien souvent loin de la réalité.
Cependant être surdoué n'est ni une pathologie, ni un handicap, c’est un mode de fonctionnement différent, et il appartient à chacun de se donner les moyens d'en faire un atout.
Tests de Wechsler et mesure du QI
En 1939, David Wechsler, chef de clinique à New York, met au point une échelle de mesure de l’intelligence. La précédente échelle calculait le rapport de l’âge mental sur l’âge réel multiplié par 100. Mais ce mode de calcul n’obtient pas une bonne homogénéité entre les classes d’âge. La cotation rend compte de la vitesse de développement de l’enfant et non de son intelligence réelle.
David Wechsler abandonne donc la notion d’âge mental au profit d’une méthode statistique. Il classe les résultats du sujet à un rang donné par rapport aux résultats de la population globale du même âge. Cette échelle comporte un matériel adapté cette fois-ci aux adultes et emploie un étalonnage en écarts réduits spécifiques à chaque tranche d'âge. Les tests de Wechsler sont régulièrement étalonnés.
Le QI de Wechsler dégage un profil dans le groupe d'âge et non une vitesse de développement. La représentation graphique d'une population testée donne une courbe en cloche, dite courbe de type Gauss (cf image), correspondant à une loi statistique normale de moyenne 100 et d'écart type de 15.
Source : www.psy-co.ch
Il est constaté que 68% de la population a un QI compris entre 85 et 115 (1 écart-type de la moyenne). Ce qui correspond à un niveau de développement dit « normal ».
- 0,13% de la population présente un QI total inférieur à 55
- 2% de la population présente un QI total inférieur à 70
- 95% de la population présente un QI total compris entre 70 & 130
- 2% de la population présente un QI total supérieur à 130
- 0,13% de la population présente un QI total supérieur à 145 (soit un peu plus d'une personne sur 1000. Ce taux tombe alors à 0,025 % pour un score à partir de 150, soit seulement un peu plus d'1 personne sur 5000)
Le QI n’est pas une mesure absolue de l’intelligence. Il est un indice du fonctionnement intellectuel de l’individu par rapport à la moyenne de son âge et de sa catégorie. De plus, il ne progressera pas telle une courbe de croissance. Il restera sensiblement le même, à la condition de ne pas être atteint de pathologie neurologique dégénérative ou de ne pas avoir eu d’accident ayant endommagé les capacités cérébrales.
Un QI est donc un score relatif qui indique une position dans un groupe d’âge identique. Il est l’expression de l’intelligence.
Trois tests de Wechsler
- Le WPPSI (Wechsler Preschool and Primary Scale of Intelligence) : Echelle de Wechsler (test de QI) pour enfants d'âge préscolaire : 2 ans et demi à 7 ans et 3 mois.
- WISC (Wechsler Intelligence Scale for Children) : Echelle de Wechsler (test de QI) pour enfants et adolescents de 6 ans à 16 ans 11 mois.
- WAIS (Wechsler Adult Intelligence Scale) : Echelle de Wechsler (test de QI) pour adultes de 16 à 89 ans.
Sont actuellement en vigueur :
- Le WPPSI-IV
- Le WISC-V
- Le WAIS-IV
Précaution indispensable
Seul un bilan psychologique complet effectué par un(e) psychologue ou un(e) psychiatre compétent, ainsi que son analyse, permet de conclure ou non à un haut potentiel intellectuel.
Un bilan complet comprend l’anamnèse, les tests à proprement dit, ainsi qu’une restitution complète. En effet, un bilan permet également d’évaluer les aspects psychoaffectifs. Il ne se réduit donc pas à une analyse quantitative mais également qualitative.
Les tests de QI que l'on trouve dans les magazines, sur Internet ou dans les émissions de télévision n'ont aucune valeur et ils ne peuvent en aucun cas servir à détecter un haut potentiel.
Haut potentiel chez l’adulte
Le haut potentiel adulte reste méconnu, cependant, l’âge adulte ne fait pas disparaître les caractéristiques atypiques que l’on repère chez les enfants surdoués.
Les problèmes que peut entraîner le haut potentiel sont importants chez les adultes, tel que repli sur soi, comportements inadaptés et manque de confiance en soi, entre autres.
Pourquoi faire un bilan ?
Comprendre et reconnaître son haut potentiel, ne plus se sentir « seul au monde ». S’appuyer sur ce résultat pour avancer dans la bonne direction, celle de la découverte de soi-même, une quête d’authenticité. Cela peut changer une vie, tout au moins apporter un nouvel éclairage.
Il s’agit de s’accepter tel que l’on est dans un monde qui n’est pas forcément adapté. Etre soi et non plus sans arrêt s’automutiler dans nos raisonnements et notre sensibilité sans pour autant rejeter le monde. Le tout étant de trouver notre place tout en acceptant notre différence.
Les enfants surdoués commencent à bénéficier d’une attention et de possibilités de suivis particuliers, ce que n’a pas pu, ou peut, vivre, l’adulte à haut potentiel. Il se retrouve alors face à l’incompréhension de sa différence.
L’adulte à haut potentiel non reconnu a souvent un parcours difficile, semé d’expériences plus ou moins douloureuses. Il a développé toutes sortes de stratégies d’adaptation pour surmonter ses conflits internes mais pas toujours de façon heureuse pour lui.
Dès qu’il aura pris conscience de sa différence et de ses forces, l’adulte à haut potentiel pourra repenser sa vie afin de se réaliser, d’être lui-même.
Les différentes étapes
- La reconnaissance de sa différence et son identité profonde
- L’acceptation du « diagnostic »
- La possibilité de reconnaître ses mécanismes de défense et les automatismes mis en place
- La prise de conscience de son potentiel
- La mobilisation de son énergie, ou comment trouver le bon équilibre dans sa vie
Caractéristiques
- Le cerveau qui « tourne » en permanence, questionnements sans fin, incapacité à trouver le bouton « pause ».
- Un raisonnement global et intuitif.
- Une forte capacité de raisonnement et de résolution des problèmes.
- Une lecture régulière.
- Un vocabulaire très riche.
- L'hypersensibilité et la susceptibilité.
- L'hyperesthésie ou l'exacerbation des cinq sens (hyper-réactif aux stimuli sensoriels)
- Une grande ouverture d’esprit assortie d’une grande curiosité, s’intéresse à différents domaines. Il n’a pas une seule passion, mais de nombreux centres d’intérêts. Peut passer pour touche à tout, alors qu’il explore sans cesse de nouvelles activités, sans que ce soit de l’instabilité.
- Un besoin de mener de front plusieurs projets ou activités, sinon s’étiole. C’est là qu’il est le plus efficace.
- La capacité d’attention, persévérance, pugnacité fortes si le sujet est intéressant. Sinon, pratiquement nulles.
- Un sens de l’humour particulier (caustique souvent).
- Les règles sont respectées si elles sont bien comprises et logiques.
- Un grand sens moral : équité, justice, générosité sont des valeurs qui lui tiennent à cœur.
- Un idéalisme, un grand altruisme et de la compassion.
- L'incompréhension devant le fonctionnement des « autres » dont il se sent différent.
- Une mémoire excellente. A une forme de savoir sans pour autant avoir appris : « science infuse ».
Mais aussi :
- Le manque de résistance à la frustration.
- La procrastination.
- L’obsession du contrôle, le besoin de lâcher-prise.
- Le sentiment d’incapacité et d’échec devant le non aboutissement des projets.
- Le perfectionnisme doublé d’une extraordinaire lucidité, qui entraîne souvent le doute et la peur de l’échec. « On ne peut pas se penser intelligent, quand on mesure ses propres faiblesses avec la lucidité aiguë du surdoué, qui ne lui permet aucun aveuglement. » (Arielle Adda).
- Des difficultés relationnelles dues à une incompréhension du fonctionnement des autres conduisant à des problèmes de communication (de l’enthousiasme dans le récit de succès, vécus comme normaux, peut être perçu comme de la prétention).
- La résilience : capacité à faire face et à surmonter des événements difficiles.
Ces listes ne sont pas exhaustives.
L’adulte à haut potentiel doit être considéré dans la globalité de sa personnalité et bien compris dans son double fonctionnement qui le caractérise afin que ses ressources intellectuelles et psychologiques qui sont potentiellement très riches puissent s’épanouir pleinement.
Fonctionnement du cerveau
Vitesse neuronale
Les informations circulent dans les neurones, en moyenne, à 2 mètres/seconde (variable selon les gens et les zones du cerveau concernées).
Chez une personne à haut potentiel, la vitesse est plus élevée, en général de l’ordre de 0,05 mètre de plus par seconde pour chaque point de QI supplémentaire. Cela peut représenter entre un QI de 100 et un QI de 130, une augmentation de 1,5 mètres/seconde de la vitesse. Elle est presque doublée. C’est l’une des explications pour laquelle les personnes à haut potentiel ont le sentiment d’en avoir « plein la tête » et d’être en permanence envahies d’un flot de pensées, sans pouvoir l’arrêter.
Traitement multispacial
A la vitesse neuronale mentionnée ci-dessus, s’ajoute le fait que contrairement au cerveau de tout un chacun, leur cerveau utilise, pour le traitement d’une même information, plusieurs zones du cerveau de façon simultanées. Le cerveau d’une personne de QI moyen, en revanche, traite les informations dans des zones bien définies en fonction de leur application.
Les personnes à haut potentiel ont de la difficulté à se focaliser sur la bonne information surtout qu’ils sont « suralimentés » en informations par leurs 5 sens (voir ci-dessous). On appelle cela un déficit de l’inhibition latente.
L’inhibition latente permet au cerveau, dans un environnement donné, de « filtrer » les informations et de négliger de traiter celles qui ne sont pas importantes (comme la température de la pièce ou la couleur du tableau accroché au mur). Le cerveau de la personne à haut potentiel lui, ne fait pas de différences et traite ces informations avec la même importance que celles concernant l’interlocuteur qui le salue. Une surcharge de données qui l’oblige effectivement à mobiliser plus de connexions neuronales pour en tirer une conclusion et lui fait dire qu’il en a, encore une fois, « plein la tête ».
Utilisation des deux hémisphères du cerveau
Généralement, le cerveau gauche est le cerveau analytique, lieu des compétences logiques et du langage, tandis que le cerveau droit est plus intuitif, créatif et traite les informations de façon plus globales.
Les personnes à haut potentiel utilisent majoritairement leur cerveau droit avec une pensée en arborescence où tout élément peut conduire à différentes possibilités qui elles-mêmes conduisent à d’autres pistes et ce, par association d’idées, à l’infini.
Un problème simple pour eux ne l’est pas vraiment. Si toutes les données du problème n’ont pas été intégralement décrites, ils vont imaginer toutes les possibilités de variables et se retrouver à gérer un problème bien plus complexe que vous ne l’aviez imaginé.
Un stimulus, une idée, en amènent d’autres, encombrant à nouveau le cerveau de réflexions plus ou moins importantes ou nécessaires dans l’instant mais ne cessant jamais.
Fonctionnement des 5 sens
Les personnes à haut potentiel sont soumises à une hyper-réceptivité émotionnelle. Leurs cinq sens sont plus aiguisés que la moyenne, et comme nous l’avons vu précédemment, envoient d’autant plus d’informations à leur cerveau.
Signe particulier, ils disent souvent être soumis à de l’hyperesthésie, voire à de la synesthésie.
L’hyperesthésie est une sensibilité exacerbée des sens qui fait ressentir à la personne les stimuli extérieurs plus intensément. Le bruit assourdit, les couleurs sautent aux yeux, les odeurs dérangent, etc.
La synesthésie quant à elle, est la capacité de « lire » le stimulus adressé à l’un des 5 sens grâce à un autre sens. Voir les lettres imprimées en couleur alors qu’elles le sont en noir sur blanc, goûter la musique, sentir le bruit.
Sources
Adda Arielle, Catroux Hélène, L’enfant doué, l’intelligence réconciliée, Odile Jacob, 2003.
Bost Cécile, Différence et souffrance de l’adulte surdoué, Edition augmentée, Vuibert pratiQue, 2013.
de Kermadec Monique, L’adulte surdoué – Apprendre à faire simple quand on est compliqué, Albin Michel, 2001.
Siaud-Facchin Jeanne, Trop intelligent pour être heureux ? L’adulte surdoué, Odile Jacob, 2008.
Terrassier Jean-Charles, Gouillou Philippe, Guide pratique de l’enfant surdoué, 11ème édition mise à jour, esf éditeur, 2016.
https://www.psy-co.ch/mesurer-le-haut-potentiel/ (consulté le 13.09.2018).
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